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Dimanche 19 février : Paris - Soliman
On repart pour un tour. Du grand inédit pour Sandrine, qui n'a jamais mis les pieds, ni les pneus, dans un pays arabe, musulman, ou africain. Et qui va découvrir les trois d'un coup ! Air France nous propose généreusement des cartons pour emballer les vélos, mais juste après que l'outillage soit enregistré et donc en route pour la soute. Donc impossible de démonter pédales et guidon. Donc pas de carton. On le regrettera à l'arrivée, en constatant le résultat de la violence des traitements infligés par les bagagistes. Le pire et irréparable étant la gaine du frein hydraulique avant du vélo de Sandrine. Elle va devoir s'en passer pendant 15 jours. Heureusement, nous avons prévu un itinéraire plutôt plat. La première demi-journée de vélo, loin d'être inoubliable, nous mène à travers les faubourgs de Tunis, jusqu'à la côte nord du pays. Puis on se dirige vers le cap Bon. La nuit dégringole aux alentours de 18h00, et pas l'ombre d'un coin tranquille pour se poser à l'horizon. Des villages de vacances déserts et des maisons en construction, guère plus habitées, nous entourent. M. Bouajila passe dans une Opel déglinguée et détecte avec lucidité notre désarroi grandissant avec la tombée de la nuit. Son poste de directeur d'école l'autorise à nous proposer un local de son établissement. Enchantés, on parcourt les derniers kilomètres sans traîner. Sa fille Amina, semble ravie de parler avec des Français. Mais pas autant que nous le sommes devant l'accueil qu'elle nous réserve. A part le plat de spaghettis un peu chargé en harissa, on passe une excellente soirée.

Lundi 20 février : Soliman - Dar Allouche
On se réveille au son de l'hymne tunisien qui accompagne la montée du drapeau dans la cour de l'école. Puis on remballe, on échange les adresses, les remerciements et les encouragements, et on pique vers le Nord. On avance dans la bonne humeur, les routiers et piétons multipliant les signes de sympathie à notre passage. Klaxons, « bonjour ! », salutations, « ça va ? » fusent de toutes parts. On y aura droit pendant tout le séjour ! Rien de magnifique à se mettre sous la dent, la route ne longeant pas la mer. On fait une pause le midi le long d'un petit chemin. Un paysan passe alors, essaie de nous expliquer quelque chose. Il sera le seul Tunisien rencontré ne parlant pas un mot de français. De dépit, il retourne chez lui. Puis revient 5 minutes plus tard avec une douzaine d'oeufs (crus) et de l'huile d'olive. Voilà ce qu'il essayait de nous dire !!

Le soir, on se pose quelques km après El Haouiaria. Wafa et ses parents nous proposent initialement un petit local froid mais amplement suffisant, puis considèrent que leur salon ferait mieux l'affaire. Du coup, on regarde la télé. Le JT commence avec l'actualité du jour : le président Ben Ali a inauguré une autoroute. 5 minutes, montre en main, pendant lesquelles on voit la foule applaudir son passage à pied sur le bitume tout neuf. Après, on passe aux infos de seconde importance : tension Europe-Iran, massacres en Irak, ... On a ensuite droit à la version tunisienne du jeu des boîtes de TF1, vécu ici avec la ferveur d'une finale de coupe du monde de foot. A table, on déguste une nouveauté, un peu épicée et succulente : le mlouria. Préparée avec une plante du même nom dont personne ne connait la traduction en français, la recette reste donc un mystère... De même que la répartition des couchages pour la nuit : Sandrine, le père de famille et moi disposons chacun d'une banquette dans le salon. La mère et les deux filles ont une chambre séparée.

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Mardi 21 février : Dar Allouche - Nabeul
Le petit déjeuner se compose entre autres des oeufs enfin cuits offerts par le paysan de la veille. Départ à 9h. La circulation dense nous empêche de profiter pleinement d'un paysage sans intérêt. On trouve tout de même le moyen de faire une pause sur une plage désertée par le frais relatif. Heureusement que la soirée vient agrémenter cette journée un peu fade. En demandant un coin de champ à un groupe de footballeurs immatures, on se retrouve encerclés par une douzaine d'éclat de rires joyeux et puérils qui ne nous sont d'aucune aide. Ils piaffent en nous regardant. Heureusement Ichrak, une jeune fille (et mère) arrive et décide de nous héberger pour la nuit. Son mari, Hamdi, couvreur de son métier, rentre alors du chantier sur lequel il a travaillé dur aujourd'hui. Son patron lui offrant son mercredi, il nous demande de rester avec eux pour ce jour de congé. Il a plein de choses à nous montrer. On hésite un peu devant cet accueil démesuré, alors que nous ne nous connaissons pas, puis acceptons. Après tout, c'est bien pour ce genre de moment que l'on voyage !!

La soirée s'anime autour de la télé (La Star Ac arabe, encore le jeu des boîtes), du nouveau né plutôt dynamique, et de la famille d'Ishrak qui, sous prétexte qu'elle habite à côté, déboule à tout moment. Cumulé à un plat de spaghettis aussi copieux qu'épicé, et à nos 80 km du jour, nous ne sommes pas fâchés d'aller nous coucher... dans la chambre de nos hôtes, ceux-ci nous la laissant pour l'occasion malgré nos protestations.

Parmi nos hôtes

Mercredi 22 février : Nabeul
Comme prévu on ne roule pas aujourd'hui, on reste à Nabeul chez Hamdi et sa femme. Ils habitent une maison en cours de construction. Spartiate et presque sans décoration, mais fonctionnelle. On profite du petit déjeuner, le seul repas qui ne soit pas accompagné de force piments. Je pars avec Hamdi au hamman, douche incluse. Le bonheur. Couscous tunisien le midi, harissa incluse. L'après-midi, on part tous les quatre se balader dans Nabeul. Une partie de rami au café pour les hommes, une séance chez le coiffeur pour les filles. Puis soirée télé. Toujours le jeu des boîtes. La candidate accepte la proposition de la banque et se fait 120.000 DT. On arrose ça d'un rosé pas frais et de bières fades. Ici, l'abonnement au satellite coûte 1,5 dinar (1 euro) par mois. Je comprends mieux pourquoi la parabole est installée avant l'eau courante dans la plupart des maisons de campagne.

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Jeudi 23 février : Nabeul - Madhia
On quitte Nabeul, on reprend les vélos après une pause de 24 heures. La traversée d'Hammamet en hiver ne donne qu'un aperçu de la cohue qu'il doit y avoir en juin. La pluie tombe pour la première et la dernière fois de notre trajet, juste quand on commence à faire du stop pour rejoindre Sousse. C'est là le seul moyen d'éviter 80 km ennuyeux et roulant de route nationale. On arrête les pick-up et camions d'un petit geste. Malgré la pluie, beaucoup se garent. Tous ne vont pas à Sousse. Certains y vont mais exigent 70 dinars. D'autres 40. On reste fermes. Ce ne sera pas plus de 20. En fait ce sera 30, il pleut trop. La météo s'améliore pendant notre parcours motorisé. On descend à Sousse. Le vent se met à souffler vers le sud-est, ce qui facilite notre progression en direction de Madhia à travers les oliveraies. Nous débouchons chez la famille Gharbi, dans une magnifique demeure, surtout à l'intérieur. On a le droit au discours désormais classique : « Vous n'allez pas monter la tente, il y a trop de vent. Installez-vous plutôt dans la chambre de notre fils ». Fils qui, soit dit en passant, n'a pas son mot à dire, même s'il a accepté son expulsion sans se plaindre. On n'essaie plus de répondre. Même si l'habitude gomme peu à peu la surprise, on reste épaté de la réaction des Tunisiens devant des inconnus étrangers. Ici, pas de jeu des boîtes, mais Al Jazira. L'information montée sous forme de clips et de slogans. On mange dans la cuisine. Notre hôte est un administrateur hospitalier à la retraite. Son français est impeccable, on se régale.

Vendredi 24 février : Madhia - Jebiniana
On apprête nos montures, quand Abderrahman nous demande confirmation de notre itinéraire du jour. Comme on prévoit de traverser Jebiniana, il nous dit de passer à l'hôpital : le directeur étant un bon ami à lui, on devrait pouvoir passer la soirée en sa compagnie. On a une tête à refuser pareille proposition ?? Bref, on quitte les lieux, notre humeur oscillant entre radieuse et joviale. Le soleil égaye le tout. Et comme tous les jours, des paysages sans grandes saveurs nous mènent de notre port matinal vers le logement du soir. On fait de nombreuses haltes, pour manger, pour reposer le genou de Sandrine (début de pincement ligamentaire, ça se résout en quelques séances de kiné), pour visiter les gargotes locales (eau, coca, yaourts, pain, thon, petits pois, gâteaux secs), ou carrément faire la sieste sous un olivier comme c'est le cas aujourd'hui. Ce qui ne nous empêche pas de boucler notre 83ème km en arrivant devant l'hôpital de Jebiniana. Où nous attend un gardien averti de notre venue. Il nous met en contact par téléphone avec le directeur, en congé ce vendredi après-midi : Salah s'excuse (!!) de ne pas être à l'hôpital, mais se propose de venir nous chercher en voiture, il habite à 30 km. Nouvelle soirée chez l'habitant, avec sa femme et son fils Amir. On discute cinéma, Coran et France devant la Star Ac et un couscous tunisien volumineux mais pas invincible. Encore une fabuleuse soirée !

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vélo Tunisie

Samedi 25 février : Jebiniana - Sfax
Salah nous raccompagne à l'hôpital, nous offre un café dans son bureau. Puis on récupère les vélos. Sur la route, on bénéficie toujours des encouragements des cantonniers, piétons et camionneurs. Seuls les enfants, bien que moins turbulents qu'au Maroc ou en Jordanie, ternissent parfois le tableau. Certains se mettent en travers de la route, d'autres explosent d'un rire exagérément moqueur. Mais à part un caillou que l'on verra rouler à nos côtés, on n'a jamais observé la moindre agressivité. Même les chiens, majoritairement craintifs ou indifférents, ne montrent que rarement leur pointe de vitesse. J'avais pris l'habitude de garder une pierre dans ma sacoche de guidon pour décourager les plus véloces ; ce fut ici bien inutile.

Enfin, on avale les derniers kilomètres qui nous séparent de Sfax, deuxième ville du pays. Elle doit sa réputation à sa taille et surtout à sa médina, à la fois parfaitement conservée et dotée de souks particulièrement vivants. On trouve un hôtel soyeux mais sans faste entre un cordonnier et un marchand d'épices. On souffle.

Dimanche 26 février : Sfax
Suite de notre pause à Sfax. On réserve un bus pour le lendemain, on teste avec succès un boui-boui local, on se balade dans d'étroites ruelles et dans le bruyant marché. Certains artisans nous semblent pratiquer un métier d'un autre âge, ce qu'ils font sûrement.

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Lundi 27 février : Sfax - Kebili
On quitte Sfax par le bus de 9h20. Direction Gabès. 2 heures de route, vélos en soute. A peine déposé par le bus, en quittant Gabès, Marcin Hyla sort de son 4x4 et nous accoste. Son français correct camoufle son origine polonaise, il travaille pour une émission hebdomadaire de Channel 3 Pologne. Le thème de son émission : le vélo. On passe 1h avec lui et Marek, le cameraman. On rejoue notre rencontre avec Marcin pour la caméra, il nous pose quelques questions, et on fait quelques tours sur un petit tronçon de route pour multiplier les angles de vue. Diffusion prévue fin mars 2006. Sitôt la séparation avec les journalistes, un vent violent nous cueille. Pire : pendant la traversée d'El Hamma, le sable se soulève et brouille l'horizon. L'après-midi avance lentement, et nous guère plus vite. Vers 17h, un peu avant la tombée de la nuit, on est au milieu de rien. Sandrine ne tient pas vraiment à planter la tente ici. Pendant notre hésitation, Amor, routier de profession, sent qu'il peut rendre service. Il pile. Face réjouie de Sandrine qui devine la fin de notre calvaire. En effet, il nous propose son embarcation jusqu'à Kebili. On y dégotte un petit hôtel. Choucrane !!

borne kilométrique - Tozeur

Mardi 28 février : Kebili - Chekmo
On part en direction de Tozeur par l'itinéraire bis, via El Mansoura. On ne le regrette pas ! La route serpente dans une magnifique palmeraie. Ca nous change des oliviers. Suit le Chott El Jerid, un lac salé partiellement asséché. Un décor désolé, sans vie mais unique. La route toute récente a été construite sur un promontoire artificiel de 2 mètres de haut. On domine ainsi la zone : broussailles sèches au début, puis terres stériles, quelques traces de sel, puis d'eau, et enfin le lac lui-même. Le soleil, sans obstacle, se reflète étrangement et génère foule d'effets d'optiques aux allures de mirage. 50 km sensationnels. Le soleil se couche doucement, on rejoint la civilisation, on franchit un petit col après El Mahassen, et on plonge dans un nouveau décor, tout aussi magnifique bien que plus classique. Le soleil rasant ravive les légers reliefs. En bas, il y a Chekmo, un petit village que justifie une modeste oasis. On discute avec les premiers habitants rencontrés, on peut planter la tente sans soucis. Plusieurs bergers viendront vérifier si l'on est bien installés. On nous apporte même un plateau avec du pain, des frites et des tomates. Hélas les animaux se relaient pour perturber notre sommeil : les chiens jusqu'à 3h du mat', les coqs pour la seconde partie de la nuit.

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Mercredi 1 mars : Chekmo - Gafsa
Une sublime journée nous attend. Comme on ne le sait pas encore, on retarde notre immersion hors de la tente. Notre sortie était guettée par quelques habitants du village. Certains attendaient pour visiter notre logis, d'autres pour nous apporter un petit déjeuner, servi une nouvelle fois sur un plateau. On rêve. Plus tard, un vent du Sud nous souffle vers Metlaoui, puis Gafsa. On profite du calme et des paysages désertiques pour siester à l'ombre. Nos premiers troupeaux de dromadaires apparaissent au loin. On stoppe à Gafsa, ville frontière entre le désert et les montagnes. Hôtel Lune. Accueil bas de gamme, grande chambre, douches chaudes uniquement le soir. Ambiance musicale de 20h à 22h, facile à reproduire : choisissez une radio grandes ondes de votre choix, placez vous dans un tunnel, montez le son à fond. On était mieux la veille sous la tente.

Jeudi 2 mars : Gafsa
8h02 : début des travaux. L'hôtel Lune sait choisir ses horaires pour défoncer son hall d'entrée à coup de burin. 09h03 : petit dej inclus. 2 bouts de pain, du beurre et un café servi avec dédain. 10H02 : on change d'hôtel. Au programme du reste de la journée : réservation du bus pour le lendemain, lecture, balades en ville, sieste, et rangement des sacoches.

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désert tunisien

Vendredi 3 mars : Gafsa - Tunis
Départ en bus pour Tunis, via Kairouan. 5 heures de route le long d'un paysage fabuleux. On note qu'il faudra prendre cette route lors d'une prochaine escapade en Tunisie. L'arrivée dans la capitale se révèle plus chaotique. Avec les vélos chargés, difficile de se frayer un passage dans les embouteillages monstrueux. On annule le détour prévu par la médina de Tunis, pour cause de foule oppressante. On fonce vers l'aéroport avant le coucher du soleil. Sur place, on se relaye pour dormir, notre avion est pour demain 8h55. L'aéroport, lui, ne dort jamais. Une population bigarrée (policiers, femmes de ménage, visiteurs, familles de voyageurs, touristes, clochards, marchands, pilotes, ...) l'anime constamment.

Samedi 4 mars : Tunis - Paris
RAS. Vol à l'heure, vélos non malmenés. 15 degrés de moins à Paris qu'à Tunis. On garde un excellent souvenir de ce séjour. Une première semaine avec des paysages ternes et des soirées fabuleuses chez des Tunisiens, une seconde semaine, à l'inverse, avec des nuits moins exotiques, plutôt à l'hôtel, mais des décors désertiques somptueux.

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