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Dimanche 13 février : Paris - Le Caire
Orly, deux bonnes heures avant l'embarquement. A la tête que fait la fille d'Iberia quand je lui annonce que j'ai un vélo, je sens que l'opération n'est pas gagnée d'avance. J'ai pourtant une petite habitude de ce genre de scène... La manager est intraitable : hors de question de faire voyager le vélo s'il n'est pas empaqueté. Les cartons peuvent être achetés à l'autre bout de l'aéroport (5.92 euros), puis récupérés dans un cagibi au fin fond du fond du bâtiment. Le gars du cagibi, sympa, m'aide dans la manoeuvre d'emballage, opération a priori anodine mais plutôt délicate finalement, à la vue des dimensions non standard de mon vélo. Au revoir la France, en route pour Barcelone, puis Le Caire. 1 heure du mat, les derniers vols animent les tapis de desserte des bagages. Mes sacoches attendent gentiment. Ca aurait été sympa que le vélo soit de la partie. Iberia a préféré l'oublier à Orly. Ca se passe bien. Le prochain vol, prévu 48h plus tard, devrait me rapporter l'engin. En attendant, je modifie le tracé. Au lieu de rouler vers le Sinaï, le vais me promener au Caire. Taxi, hôtel. Tarif pour touriste déboussolé de 2h du mat.

Lundi 14 février : Le Caire
A peine sorti de l'hôtel, je tombe sur un rabatteur, qui me propose toute sa panoplie de bons plans : taxi pour les Pyramides, balade à dos de chameau, hôtel pas cher, boutique de souvenir, séjour au bord de la Mer Rouge. Je prends hôtel pas cher, and have a good day. My friend. Tout le monde est pote, ça ne fait pas de mal. Je m'amuse à marcher dans la ville, me faufiler dans les embouteillages inouïs, me paumer dans les ruelles du souk. Vers 14h, je rencontre Sergio. Egyptien, il garde un bon souvenir de son séjour Napolitain, et il aime bien ce pseudo italien. On bois un thé ensemble, et il me propose d'assister au mariage d'un de ses cousins le soir même, dans les rues de la ville. On s'amuse bien, on boit quelques thés, on se promène dans sa ville à pied et en taxi, mais tout au long de l'après-midi, par petite touche, il me taxe quelques lires égyptiennes (pour participer aux frais du mariage, payer une bouteille de gin, ...). Il n'avait que cet objectif en tête depuis notre rencontre. Il n'a récupéré qu'une dizaine d'euros de ce plan bidon, mais je ressors intrigué (par ma propre crédulité) et carrément déçu par cette fausse camaraderie d'une demie-journée. Je resterai méfiant avec chaque rencontre pour toute la durée du séjour.

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Mardi 15 février : Le Caire
Je change d'hôtel. Je retombe sur Monsieur Bons Plans d'hier. J'ai choisi son hôtel, mais il ne s'en satisfait pas. Il veut que je visite la ville avec son 'agence'. Je refuse poliment. Il tente alors autre chose. Il me dit que sa soeur se marie bientôt, qu'il a besoin que je le dépanne. Hoho, cette fois je flaire le mauvais coup. Désolé, un autre gredin est déjà passé. Je décide de profiter de mon séjour imprévu au Caire pour découvrir le site des Pyramides. En cherchant un microbus pour Gizeh, je tombe sur un ex-avocat reconverti dans l'import export. Il parle bien français, puisqu'il a fait 6 mois d'étude à Nantes ! C'est là que j'habite ! Il me lâche dans un bus, mille merci : le coin et surtout le bon bus étaient introuvables. Je m'assied à côté d'Oussama. Ravi de pouvoir discuter avec un touriste, il décide de prendre sa journée pour m'accompagner. Suite à l'arnaque de la veille, je reste vigilant mais lui est sincèrement chaleureux. Il est blanc (grand-père Turc) et doit montrer ses papiers, malgré son parler arabe, à l'entrée du site pour ne payer que le tarif égyptien (0,4 euros au lieu de 7). On passe une excellente après-midi, on rentre en métro, d'une propreté et d'une modernité impressionnante, en grand contraste avec le reste de la ville. Oussama m'offre un Asab Açir (jus de sucre de canne). Un délice. Je prévois d'en faire une consommation importante pendant le séjour. Le soir, un gus m'aborde en arabe. Puis se ravise en anglais : "Oh, excuse-moi, tu avais un look égyptien, c'est pour ça que je t'ai parlé en arabe...". Tiens, exactement comme ça que Sergio m'a abordé hier. Méfiance. "Tu viens d'où ? De France ? Excellent, j'ai justement un petit service à te demander. Tu viens boire un thé ?". Je n'ai pas confiance, je me dérobe. Finalement, le sale coup d'hier m'aura permis de mieux filtrer mes rencontres aujourd'hui.

Mercredi 16 février : Le Caire - Serapeum
En route pour l'aéroport, mon vélo m'y attend. Encore une foule de paperasse à remplir, et en effet, dans les sous-sols du bâtiment, je retrouve le carton soigneusement préparé le lundi. En bon état. En route vers l'Est ! Au programme : Ismailia, Suez, son canal, le Sinaï, Taba, le golf d'Aqaba, Charm-el-Cheir, la Mer Rouge... Le vent me pousse, ça tombe bien j'ai deux jours à rattraper. Tout va bien, si ce n'est ce manque d'appétit inexpliqué qui me taraude depuis 4 jours. La route est sans grand intérêt, plutôt roulante. A Ismailia, je bifurque vers le Sud. D'après ma carte, j'espérais longer le canal, mais je ne fais que deviner quelques géants des mers à plusieurs km. Je me pose le long de la route, dans le sable, planqué derrière une dune. Il fait bon, je ne plante pas la tente. Finalement ce coin s'avèrera un chouia bruyant, les camions roulent toute la nuit, et je suis à moins de 5 m de la route.

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Cailloux dans le Sinaï

Jeudi 17 février : Serapeum - Désert du Sinaï
Je n'ai toujours pas faim, je me force à manger un gâteau à la pâte de figue et une orange. Je roule vers Suez. 15 bornes avant la ville, un grand rond-point. Une boutique Smile, je vais demander un Coca. 9 livres pour 1,5 litres. 3 fois plus cher qu'au Caire. C'est louche. Je ne prends rien. Direction tunnel sous le canal. Deux fois une voie, assez étroit. Délicat à vélo, avec des bus derrière. Puis la route débouche sur le Sinaï. Je demande s'il y a une cabine téléphonique. "Ah non, plus rien avant Taba. Ici mister, c'est le désert !". Impeccable. En effet il y a encore une ou deux bicoques (qu'on peut vaguement assimiler à des boutiques), puis plus rien. Le bitume, une ligne haute-tension, un camion toutes les 5 minutes, une caserne tous les 30 km, rien de plus. Des dunes, du sables, de la caillasse, quelques montagnes au loin. Peu de dénivelés, un vent d'Est (%*$##!), le Sinaï comme je l'imaginais et l'espérais. Je peine un peu, mais je me régale. Facile de trouver pour la nuit. Du haut d'une dune, on voit les lumières de Suez, et on devine le tracé du canal. Je passe une nuit fabuleuse.

Vendredi 18 février : Désert - Suez
Toujours rien dans le ventre, et le vent souffle contre moi. La moindre pente m'épuise, je pousse mon vélo pour passer de minuscules cols. Ce n'est pas la grande forme. La prochaine ville se situe à plus de 100 km, je rejette l'idée de traverser le désert dans cet état. En stop ? Bof. Je préfère me refaire une santé à Suez, et décider ensuite. Je traverse la route et fais du stop. Hasan et son fils me chargent dans leur pick-up. Je suis vraiment épuisé, on parle peu. Ils me lâchent à 10 km de Suez, juste après le tunnel. Une vraie corvée à parcourir. Je m'installe dans un hôtel sans prétention. Ni vue sur la mer ni confort. Juste une douche (et encore...) et un lit. Je dors. En fin de journée, je marche vers le centre de Suez, la promenade longe la mer dans un parc plutôt agréable. Des familles y terminent un pique-nique, les jeunes commencent à investir les lieux. Je me fais aborder par un couple d'homos, assez directs. Ils me parlent de l'illégalité de leur situation. Plus tard, je prends un plat de riz dans un snack, et déguste quelques jus de canne à sucre chez Hasan, certainement le meilleur marchand de jus de fruits de la ville. C'est mon premier repas.

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Samedi 19 février : Suez
Nouvelle journée à Suez. Repos, reprise d'appétit et de force. Internet Café. Jus de canne à sucre. Je cherche à voir le canal, mais les militaires bloquent l'accès aux berges. Je me console avec un bras parallèle au canal, qui doit bien lui ressembler, mais qui n'est pas LE canal. .. A chaque passage devant la boutique d'Hasan, il me repère, et me prépare un verre de jus. Il place des tiges de canne à sucre de 2 mètres de long dans une machine de la taille d'un frigo américain, et en sort un délicieux jus, sucré et frais. Pour 50 piastres (10 centimes d'euros) !!

Dimanche 20 février : Suez
Je me sens mieux ; la canne à sucre m'a requinqué. Je décide de reprendre la route le lendemain. Encore une journée à errer dans Suez. La ville, sans charme, est moins oppressante que le Caire, même si le taux de chômage y est encore plus élevé. Foule de gens plus ou moins désoeuvrés traînent en ville. Mahmoud m'interpelle, il me propose de visiter la ville avec moi. Il connaît tout le monde, son anglais rudimentaire limite les discussions, mais il cherche à progresser. On improvise une leçon croisée d'arabe-anglais, plus amusante qu'instructive. Avant de quitter Suez, je prends un dernier verre chez Hasan. Quand je lui explique qu'un jus de fruit se vend 20 fois plus cher à Paris, et que le jus de canne à sucre y est inconnu, il veut absolument monter une structure pour exporter le produit ! Il interpelle des passants pour l'aider à me traduire son idée. Il était prêt à faire ses bagages dans la soirée si je le suivais...

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coucher de soleil en Egypte

Lundi 21 février : Suez - Delta du Nil, vers Zagazig
Je confirme mon départ de l'hôtel, je reprends la route. Mais plutôt vers Alexandrie que vers le désert. J'ai perdu pas mal de temps entre le retard du vélo et ma pause à Suez, je décide de traverser le delta du Nil, direction Méditerranée. Ca devrait être vert. Je remonte vers la grand rond-point au niveau du tunnel sous le canal, et fais une halte dans la boutique Smile. Je demande un coca, comme vendredi dernier. Les vendeurs sont plus honnêtes cette fois. La bouteille est à 3 livres (contre 9 livres cinq jours avant). Après Ismaïlia, les abords rocailleux de la route deviennent cultivables. Plus tard, ce seront des champs à perte de vue. Des canaux irriguent cette région certainement fertile, et assez peuplée. En soirée, je demande à un agriculteur si je peux rester pour la nuit sur sa plantation. Sopji (?) parle un bon anglais, il me harcèle de questions sur l'argent : mon salaire, le tarif de toutes mes affaires, mon budget quotidien en voyage, ... J'ai pris l'habitude de diminuer d'un facteur deux à dix tous les montants que j'annonce. Belle et calme nuit parmi les manguiers.

Mardi 22 février : Avant Zagazig - Zafr el Zaiyat
Certes le paysage est plutôt verdoyant, mais finalement assez monotone ; je regrette un peu de ne pas avoir persévéré dans le Sinaï. Les villages traversés, qui rivalisent de saleté et de mocheté, n'égayent guère ces journées sur une route à fort trafic. Le must, ce sera Zagazig. La route qui traverse cette ville au nom pourtant chantant rassemble un paysage morbide (ordures, immeubles détruits, poussière), une circulation insupportable et incivique, une orientation délicate, ... J'arrête là. Bref, je ne m'attarde pas. Heureusement, quelques km plus loin, une halte dans un troquet local va égayer la journée ! Une poignée de comparses m'accueillent d'abord timidement, puis une escouade de routiers sympas et désoeuvrés vient se joindre à nous. Echange de cartes postales, de photos, ... Impossible de payer mes consommations, ils se battent presque pour m'offrir une pause chaleureuse. Bon, j'ai de la route, je poursuis vers la Méditerranée. Je contourne Tanta. Ensuite la route s'élargit, le trafic grossit. J'ai rejoint l'axe Le Caire-Alexandrie. Ca donne l'impression de rouler sur la bande d'arrêt d'urgence d'une autoroute. Les conducteurs, prudents, me contourne largement mais il y a peu de plaisir à rouler. Je n'ai repéré aucun endroit potable pour me poser. En empruntant un chemin de terre, je me faufile entre deux champs, et là, planqué de la route, lecteur mp3 dans les oreilles, je me laisse bercer, encore en mode belle étoile.

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Mercredi 23 février : Zafr el Zaiyat - Alexandrie
Je termine la route, content d'en finir avec ce delta sans charme. Les faubourgs d'Alexandrie s'étendent une grosse dizaine de km avant la côte et le centre de vi(ll)e. Je suis assisté avec beaucoup de gentillesse à chaque carrefour, quand je peine à cause du manque de signalisation. Enfin je trouve la ruelle où se cache l'hôtel sélectionné. Chambres tout juste salubres mais immenses. Douche, repos, puis balade en ville. Plusieurs Egyptiens m'accostent pour me vendre du shit. Tenaces, mais moins que moi. Mis à part ces légers désagréments, le quartier cumule les atouts. J'adore le dynamisme des rues commerçantes avoisinantes. Toute la ville se rejoint ici pour se gaver de fringues occidentales. L'animation dure tard dans la nuit.

Du Jeudi 24 février au Samedi 26 février : Alexandrie
Je retrouve avec délice les presseurs de fruits. Je bouquine, flâne en ville, teste les gargotes de la ville, surfe dans des net cafés pas toujours rutilants. Je prends mon meilleur repas du séjour le samedi soir, à la veille du retour, avec Mohamed. Il parle un bon français. On visite la ville ensemble ; il tenait à revoir sa grand-mère adoptive, dans les quartiers populaires oubliés des projets de restauration de la ville. Elle nous reçoit avec gentillesse dans son minuscule logis. Mohamed me traduit leur conversation, sur les tensions familiales issues de quelques séparations. On boit un thé (Lipton Yellow, bonjour l'authenticité), puis on jongle avec les taxis pour retourner au centre. Je lui laisse quelques bouquins en français pour qu'il améliore son vocabulaire.

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Du Dimanche 27 février au Lundi 28 février : Alexandrie - Paris (via Le Caire)
Je ne tiens pas à traverser une fois de plus le delta à vélo pour rejoindre Le Caire. Tant pis, j'aurais quelque peu foiré mon itinéraire cycliste pour cette quinzaine. Je prends un bus, presque luxueux, pour rentrer à la capitale. Il me dépose presque au pied des pistes. S'ensuit quelques heures d'attente et un début de nuit dans l'aéroport. Au guichet, vers minuit, on me demande d'attendre que tout le monde soit passé pour me présenter avec mon bardas. Une fois de plus, le vélo doit être emballé... Ca recommence. J'explique que je n'ai jamais eu à emballer mon vélo :-]] A force de discuter, ça passe. Je retrouve trois Français qui étaient dans le même hôtel que moi à Suez. Et puis Florence, qui boucle un séjour d'échange culturel. On fait le voyage de retour ensemble. Il y a quelques temps, elle était partie faire 1 tour. Le vol du Caire n'accuse aucun retard. Escale à Barcelone. Ca ne devrait être qu'un simple rebond vers Paris, mais la neige et le froid bloquent les pistes et les avions. Panique à l'aéroport, absolument pas équipé pour faire face à ce genre de soucis. Au terme d'une pagaille invraisemblable (j'ai pu entrer en zone d'embarquement sans être fouillé, les billets de remplacement étaient édités avec des heures farfelues, l'avion pour Paris s'est retrouvé à moitié plein alors que 3 vols avaient été annulés, ...), on termine à Orly, 10 heures plus tard que prévu, et sans les bagages. Je retournerais dans la soirée les rechercher.

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