Vendredi 2 avril : Paris - Dunlavin
Réveil 4h du mat, 45 minutes jusqu'à CDG, comptoir Air France déjà ouvert, aucun souci pour les vélos, avion à l'heure, arrivée à 9h00 à l'aéroport de Dublin, sur la côte Est de l'Irlande, temps nuageux sans pluie. Bref, tout commence idéalement. Le temps de s'habituer à rouler à gauche et de trouver comment s'éloigner des banlieues chics de la capitale, les premières gouttes tombent. On n'a pas le droit de se plaindre, on savait qu'avril délivre statistiquement 10 jours de pluie. Grâce à une carte au 1:50 000, on plonge rapidement dans la campagne. Puis on passe à du 1:400 000. On vise l'ouest en cherchant les plus petits axes possibles. On va se tenir à cette règle et éviter les nationales pendant tout le séjour.
Soudain, au détour d'une route, trois lièvres nous repèrent. Ils vont certainement se planquer. Que nenni ! Ils nous chargent... Un sprint de 100 mètres dans notre direction. Ils ne sont pas bien balèzes, mais ça impressionne. Finalement ils pilent à 2 mètres de nous et détalent dans l'autre sens. Qu'est-ce que c'est que ce pays ??! Plus tard, Sandrine profite d'une crevaison pour souffler. Au terme d'une première journée un petit peu physique (lever tôt, 80 bornes, 7 alternances averses/soleil), on demande à Tom, un berger, s'il a un champ pour notre tente. Il nous propose son jardin. On accepte. Nouvelle averse. On monte la tente. Nuit fraîche et arrosée.
Samedi 3 avril : Dunlavin - Bloom Mountains
Dès le réveil, on goutte au plaisir savoureux de remettre les chaussettes et chaussures trempées de la veille. Il pleut, on prend donc un petit dej furtif, et alors qu'on s'apprête à quitter les lieux en saluant le propriétaire, il nous propose un thé. Qui se transforme en petit déjeuner. On évite ainsi une nouvelle averse au chaud dans la cuisine. La météo d'une chaîne anglaise nous laisse l'espoir d'une meilleure journée qu'hier. Puis on reprend les vélos, pour de jolies petites routes. Dunlavin, Colbinstown, Crookstown, Ballitore, Burtown, Athy : tous ces noms de villages fleurent bon l'Irlande profonde. Les départementales tournent sans arrêt, on ne voit jamais la route sur plus de 100 mètres, quel plaisir ! Dans la soirée, on demande de l'eau à Mme Dowling. Elle accepte sans hésiter, puis nous sert un thé, des sandwichs et quelques parts d'un gâteau fait maison. Ca se passe bien. On installe la tente un peu plus loin, dans un champ au pied d'un petit massif montagneux.
Dimanche 4 avril : Bloom Mountains - Killymore
La pluie accompagne notre réveil, on déjeune donc sous la tente. Dès les premiers kilomètres, ça grimpe. On monte à 350 mètres dans un décor forestier. Une pluie drue et glacée nous pourrit la descente. On se pose dans un pub pour oublier. Le tenancier accepte qu'on sorte notre casse-croûte dans son établissement. Le poste de télé diffuse une demi-finale de la FA Cup, Sunderland - Millwall (0-1). On quitte le village sous les nuages. De toutes façons, le ciel n'est jamais tout gris ou tout bleu. On a toujours l'espoir d'un rayon de soleil pendant la saucée, et la crainte d'une averse pendant une éclaircie. On s'approche de la côte Ouest, le vent (d'ouest) fait son apparition. Va-t-on poursuivre sur notre moyenne de 75 km par jour ? Le soir, on obtient un champ immense, à la condition qu'on le quitte à 9h le lendemain. Des chevaux doivent nous remplacer.
Lundi 5 avril : Killymore - Spiddal
On respecte notre engagement en abandonnant le champ à l'heure convenue. Le vent s'intensifie. Par contre la pluie se calme. On atteint Galway, l'entrée du Connemara, en début d'après-midi. On a compté 25% de kilomètres de plus que si on avait pris la nationale Dublin-Galway. C'est le prix à payer pour bénéficier du réseau secondaire (voire tertiaire). On longe ensuite la côte, le paysage change enfin. Ce n'est pas encore très sauvage, mais on quitte la campagne classique. On choisit un B&B (50 euros) pour ce soir. Je ne suis pas très enthousiaste, sûrement parce que je n'ai pas encore découvert le menu du petit déjeuner.
Mardi 6 avril : Spiddal - Cashel
Michelin a apposé un liseré vert sur toutes les routes du Connemara, le parcours se veut donc pittoresque. On ne conteste pas. Des champs morcelés délimités par de petits murets de cailloux, de petites rivières qui se jettent dans des lacs qui se transforment en rivières qui se jettent dans la mer ; on ne comprend pas tout le système hydrographique mais on se régale. Si le vent changeait de sens, on apprécierait encore davantage... On croise quelques voitures françaises (29, 91, 44, 60, 61), maigres restes d'une saison touristique pas encore commencée. La Travelling Bank fait le même parcours que nous. C'est un camion contenant un bureau qui permet aux villages les plus reculés de bénéficier d'un service de proximité. On fait face à quelques difficultés pour trouver un terrain ce soir. Plusieurs personnes refusent, ou nous envoient plus loin pour se débarrasser poliment de nous : "Allez voir au pub à 2 km, ils sauront sûrement vous trouver un champ". Finalement, on atterrit dans une pâture à vache occupée (deux pis et un p'tit).
Mercredi 7 avril : Cashel - Maum
La plus belle journée du séjour ! Le vent ne tourne pas, mais nous si, à partir de Clifden. Seul point d'ombre, un nouveau souci de pneu nous ralentit (après une explosion de pneu au Maroc, un arrachage en Jordanie, j'ai la poisse...) Mon pneu arrière s'abîme, la roue part en légères godilles dans les descentes. Un échange pneu avant - pneu arrière résout partiellement le problème. Ensuite, les kilomètres défilent sans effort, la pluie n'apparaît qu'épisodiquement, et le décor a encore des ressources pour nous surprendre. Après la côte sauvage et la magnifique descente sur Leename, on bifurque dans le Joyce Country. Terres sauvages à perte de vue, une seule petite route, et nous. Vive la R336 ! En cherchant où se poser pour la nuit, on nous propose un champ, avec foules de moutons et agneaux, dominant un lac, lui-même parsemé d'îles. Vue imprenable, un des plus jolis coins sur lesquels j'ai jamais planté la tente ; le meilleur moyen de terminer ce fabuleux jeudi.
Jeudi 8 avril : Maum - Dunmore
Ce matin, la tente est presque sèche. Tous les jours, on doit trouver un moment pour faire sécher notre toit. Le vent nous pousse à quitter rapidement le Connemara. On s'offre un pub le midi pour retarder l'échéance. Mais on ne doit pas non plus trop traîner, le vol de retour prévu pour lundi matin n'attendra pas. Et il faut traverser l'Irlande d'ouest en est. En s'éloignant de l'océan, on retrouve la pluie, douce au début, puis torrentielle le soir. Et personne n'a de champ libre (ici trop de boue, là un taureau, ...). Quand enfin un couple accepte, nous sommes imbibés. Mais contents de pouvoir nous poser avant la nuit, vers 20h. On croit alors passer une nuit calme, au vu de l'isolement du lieu. Mais voilà que résonne un coup de canon. Puis un autre. Toute la nuit, espacés d'une à vingt minutes, d'énormes déflagrations retentissent, situées à 200m de nous environ. Mystère total sur ce phénomène.
Vendredi 9 avril : Dunmore - Athlone
Réveil difficile, les explosions ne s'interrompant que vers 5h00. On ne voit personne dehors, on ne sait donc pas d'où provenaient ces bruits assourdissants. Morne journée. Rien de spécial, juste le remake des petites routes que l'on appréciait tant quelques jours avant, mais qui semblent bien fades maintenant, après les délices du Connemara. Un exploit tout de même : pas une goutte de pluie. On fête ça en dormant dans un B&B un peu avant la cité touristique centrale d'Irlande, Athlone. On y est très bien accueillis, la maîtresse de maison nous offre la chambre familiale quand elle voit l'avalanche de sacoches (2 avant, 4 arrières, 2 duvets, 2 sacoches de guidon) qu'il nous faut caser. Nuit plus reposante que la précédente.
Samedi 10 avril : Athlone - Ballivor
On commence par un Irish breakfast (saucisses, omelette, bacon, céréales, thé, pains, confitures, beurre, lait). Puis on essaie de se motiver malgré les piètres paysages que l'on pense affronter. Sandrine cherche ce qui pourrait pimenter la journée. On va vite trouver. "Frt, frt,frt", pas normal comme bruit en roulant. Sauf si le pneu avant se déchire et laisse poindre une bulle de chambre à air ! Au milieu de pas grand chose, on n'a pas d'autres choix que de recoudre le pneu. Laborieux et temporaire, ça permet tout de même de faire les 30 bornes jusqu'à Mullingar. J'y achète un pneu neuf. En soirée, je frappe à une porte et demande au jeune qui m'ouvre s'il sait où on peut planter une tente. Il me suggère d'essayer la ferme en face. On remonte sur les vélos pour s'y rendre, mais sa mère jaillit de la maison pour nous proposer leur jardin. 1000 mercis.
Dimanche 11 avril : Ballivor - Dublin airport
Aujourd'hui, le programme ne nous laisse pas le choix : il faut rejoindre l'aéroport. 63 km, ce sera notre plus petite journée kilométrique. A part quelques maisons joliment décorées, des fermes typiques et des moutons à perte de vue, on ne retient pas grand chose des ces dernières heures de campagne irlandaise. On gagne l'aéroport vers 16h00. Notre avion décolle 13 heures plus tard. Va falloir patienter... On se change, on bouquine, on observe les autres voyageurs, on discute avec un autre couple de voyageurs à vélo (sans leur vélo pour cette fois), on dort malgré le relatif inconfort du lieu.
Lundi 12 avril : Dublin airport - Paris
Air France ne nous prend pas trop la tête avec les vélos. Pourtant l'aéroport est équipé d'une machine à rayons X pour les gros objets. Dont les vélos, mais il faut remonter les pédales à l'intérieur. On n'a pas les outils pour. La compagnie obtient alors du responsable de la sécurité que nos vélos échappent au contrôle. Pas très sérieux, mais plutôt pratique. L'avion part à l'heure, on jette un dernier coup d'œil sur l'Irlande avant de s'enfoncer dans les nuages : de la verdure à perte de vue.