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Dimanche 23 mars : Paris - Kemisset
Après deux décollages/atterrissages sans incidents, débarquement à Casablanca. "Bienvenu au Maroc ! " me dit l'un des bagagistes en me voyant réagencer mes sacoches dans le hall de l'aéroport. Déjà plusieurs taxis me proposent leurs services... Puis Ahmed m'accompagne sur les 500 premiers mètres, me dessine un plan pour trouver la route de Marrakech et me laisse son numéro de téléphone. Bref, tout le monde s'occupe de moi. Enfin je roule, il fait moins de 20°, la route est plate et étrangement verte par rapport à l'idée que je me faisais du pays. Karim et Abdelhammid sont à vélo aussi, ils font leurs 40 bornes du dimanche et ralentissent un peu leur allure pour les parcourir avec moi. Il me faudra attendre la tombée de la nuit pour être seul. Je choisis un champ de coquelicot en bord de route pour planter la tente. A défaut d'être typique, c'est calme.

Lundi 24 mars : Kemisset - Marrakech
Matinée très brumeuse, tente trempée par la rosée. Grosse journée si je veux passer la soirée à Marrakech, distante de 146 km. La ville se situe à 500m d'altitude, ce sera un long faut plat, à peine perceptible. Quand je m'arrête pour acheter à manger dans de petites échopes le long des routes, j'ai la sensation que les tarifs sont fixés plus par rapport à mon look occidental qu'aux produits commandés. Petit à petit, je vais connaître le prix des aliments de base, et je prendrais soin de demander avant d'acheter. Les paysages verdoyants laissent courir quelques oueds encore pleins, les monts de l'Atlas restent encore trop loin pour être visibles. Quelques marchands de fleurs, sur le bord de la route, me hèlent, une tasse de thé à la main. Je pige le message à la menthe. Délicieux et annonciateur d'une longue série. Plus loin, je double Najib, qui fait le même trajet que moi, mais à pied et sans le sou. Il fait chaud, il a soif, et j'ai de l'eau. On discute un peu, ça me fait une pause.

Puis arrive Marrakech, sa cohue dans les rues, que ne contrôlent que légèrement les feux tricolores. Les agents de circulation sont plus efficaces. Je profite de l'un d'eux pour me retrouver sur mon plan. Quand je lui demande s'il parle français, il se vexe presque : "Je sais que les policiers Français ne parle pas arabe, mais ici, au Maroc, les policiers parlent Arabe, Français, Anglais, Allemand, Berbère, Espagnol, et parfois Italien !". Faute de temps, je ne teste pas l'intégralité des ses compétences linguistiques, et pars chercher le calme d'un petit hôtel, caché dans une ruelle proche de la place centrale. Djemaa-el-Fna (c'est son nom) ne s'arrête jamais. Elle jouxte le souk qui lui ferme vers 22h. Mais les marchandeurs ambulants, presseurs d'orange, cuiseurs de tajine, conducteurs de mob et visiteurs intrigués se bousculent jusque tard dans la nuit et le vacarme.

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Mardi 25 mars : Marrakech - Tadert
Quitter Marrakech signifie slalomer entre ânes, charettes, deux roues motorisés plus ou moins identifiés, tracteurs, piétons intrépides, camions et voitures. Je n'ai pas le choix et c'est le prix à payer pour gagner la montagne, que j'espère moins tapageuse. Abdelreza parcourt une dizaine de kilomètres à mes côtés. Ca égaye un peu les quarante premiers de la journée, un peu ternes. Enfin l'Atlas se dessine à l'horizon. Suivent les premiers lacets. Quelques ouvriers agricoles à qui je mime l'épuisement m'offrent le thé, et on partage un délicieux plat de lentilles épicées. Je découvre le caractère ludico-relou des gamins, qui par habitude ou désoeuvrement me coursent dans les montées. On m'avait annoncé des volées de pierres, je n'aurais que des grappes collantes et ricanantes. Je suis le seul cycliste, les rares touristes sont en 4x4 ou en camping-car. Je profite donc mieux qu'eux des paysages splen-di-des. Pour ma nuit, mauvaise pioche, je choisis un oued asséché, au sol gravillonneux. Je ne comprends mon erreur que lorsque les bourrasques de vent se déclenchent. Les piquets de la tente, plus posés que plantés, font de la figuration, pendant qu'à 3h du mat, j'essaie de sauver l'écroulement de ma tente. Sans grand succès. Bref, nuit blanche.

Mercredi 26 mars : Tadert - Anika
Je prends la route dès 7h20, quelques instants après le lever du soleil. La route monte, le vent ne s'arrête pas pour autant. Parfois un lacet m'en protège quelques instants. Un bus de Français me double, coup de klaxon offert. 10 minutes plus tard, je le vois encore, tout là-haut dans les méandres de la montagne. Plus loin je croise deux Brestois à pied, qui terminent leur périple de 3 semaines en autonomie complète. Quelle pêche !! Au détour d'un virage, Abderhamman m'invite à une délicieuse pause-thé dans sa minuscule boutique de souvenirs. Il y a installé un lit pour éviter de retourner à son village tous les soirs. Il me promet la fin du vent dans 5 kilomètres. Il a raison, le col de Tichka symbolise à la fois la fin de l'ascension, mais aussi celle du souffle. 2260 mètres. D'une des boutiques de souvenirs surgit Elhoussain, le plus gentil (ou rusé) des marchands du Maroc, le seul auquel j'achèterais des souvenirs aussi. Ma pause au col s'éternise. Le frère d'Elhoussain arrive, ce serait impoli de partir maintenant, on partage donc une délicieuse tajine au poulet. Je finis par me séparer de leur charmant réconfort pour plonger dans la vallée. Après quelques kilomètres d'une folle descente, dilemne : tout droit, pour du bitume jusqu'à Ouarzazate, ou à gauche pour une vallée secondaire, plus encaissée, mais peu carrossable. Va pour la piste ! Je ne roule pas avec un VTT, mes pneus souffrent dans la caillasse. Impossible de dépasser les 5km/h. Je traverse quelques petits gués, les pieds sèchent vite au soleil. La vallée est grandiose. Les montagnes quasi arides contrastent violemment avec la verdure des cultures qui bordent le lit de l'oued. Par contre, je peine davantage pour semer les gamins, et hormis dans un village, aucun endroit pour camper. Le premier habitant auquel je demande me guide jusqu'à une terrasse en terre. Plus tard, il m'apporte un plateau avec thé, pain, et vache qui rit. Bonne nuit.

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Sur la piste

Jeudi 27 mars : Anika - Ouarzazate
J'offre quelques ballons aux enfants qui m'aident à ranger ma tente. Exceptionnellement, ils sont plus souriants que collants. Par contre, devant l'école, difficile d'éviter la cohue. L'un d'eux récupère le petit drapeau français qui flotte à l'arrière de mon vélo. Je m'arrête, je reviens sur mes pas, sans grand espoir de retrouver le tissu bleu-blanc-rouge. Mais coup de bol, le petit voleur a pris peur, et a lâché son rapt dans sa fuite. Tout au long de la piste, je questionne les Marocains pour savoir la distance qui me sépare de la route goudronnée. Tous, sans exception, me donnent la valeur précise au kilomètre près (il y en a 30 au total). Les seuls à se tromper sont deux Hollandais en 4x4, équipés d'un GPS. Ils venaient en sens inverse, et m'annoncent 12 bornes de pistes alors qu'il en reste 21 ! Enfin, après 8 heures sur la piste, je retrouve l'asphalte, et clos ma journée par l'arrivée à Ouarzazate. La ville, parfois jolie, regorge de marchands très accorcheurs.

Vendredi 28 mars : Ouarzazate
Journée sans vélo. Enfin une douche, même si elle est froide. Le cyber-café à 7 dirhams de l'heure (0,7 euro) me permet de reprendre contact avec la dure réalité de l'actualité. Je réserve mon bus pour demain. Je prends quelques jus d'orange frais pressés en live dans des bars, dont les postes de télé sont braqués sur Bagdad en flamme. Al Jazira en continu diffuse des clips et reportages sur le conflit. A part quelques conférences de presse américaines traduites en arabe, je n'ai vu que des montages speedés d'images guerrières, artistiquement réussies, mais journalistiquement moyennes.

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Samedi 29 mars : Ouarzazate - Agadir
RDV 9h30 à la gare routière. Même ambiance qu'en Iran. Des vendeurs hurlent en boucle le nom des villes que leur compagnie dessert. Quelle ponctualité pour le départ ! 10h00 pile, comme prévu, le bus quitte Ouarzazate. La jolie route, peu ennuyeuse, traverse quelques villages, où le conducteur fait de longues pauses. Parfois, au milieu du désert, quelques Marocains montent ou descendent. Pour éviter de perdre du temps, le chauffeur ne s'arrête pas, son collègue se charge d'ouvrir la soute et de rendre les bagages aux passagers. On n'atteindra Agadir qu'à 17h30, au lieu des 16h00 annoncé. Je me retrouve dans une ruelle crasseuse avec mon vélo et mes sacoches, à remonter le tout sur un trottoir de 30 cm de large. Je prends ensuite plein Nord, et me pose au camping de la ville. J'y rencontre Manu et Jeff, père et fils, qui rentre d'une jolie aventure : 6 mois de Paris-Dakar en 2CV... Moultes galères, autant de souvenirs !

Borne Essaouira

Dimanche 30 mars : Agadir - montagne avant Essaouira
Petit dej avec les voyageurs en doche, puis route côtière vers le Nord. J'espérais à tord une route plate. J'aurais pu éviter le camping, il y avait foule d'endroits pour planter la tente juste après Agadir, dans des campings sauvages improvisés notamment par une multitude de camping-car. Le vent m'aide un peu, je roule bien, puis la route quitte la côte, les véhicules se raréfient. Je trouve souvent des petites boutiques pour me ravitailler. Eau, jus de fruits, yaourts, pain, gateaux secs, fruits : pas très typiques mais assez équilibré. Pour les boissons fraîches, heureusement que les frigos sont posés à l'ombre...vu qu'ils sont débranchés. Je m'installe le soir sur une colline entre deux villages. J'attends que la nuit soit tombée pour planter, histoire de ne pas me faire embêter par les bergers (souvent des gamins) qui attendent le dernier moment pour rentrer leurs bêtes.

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Lundi 31 mars : montagne - bord de mer après Essaouira
Petit retard ce matin, je dois réparer ma roue avant, crevée. Première fois que ça m'arrive. J'apprendrais pus tard qu'en fait, elle n'était que dégonflée, probablement par des farceurs qui sont passés près de mon lieu de camping ce matin. Il fait chaud. Après Essaouira, que je traverse brièvement, je choisis la petite route, parallèle à la nationale. Un véhicule toute les 10 minutes, quasiment aucun village. Verdoyant, splendide. Le vent change de camp. Je trouve une échope juste avant la nuit, mon arrivée y déclenche l'hilarité de la dizaine de personnes qui s'ennuient autour de ce point de rencontre. Limite moqueurs. Pour la nuit, je dégotte un coin sympa sans plus, avec tout de même une jolie vue sur la mer agitée.

Mardi 1 avril : bord de met - Safi
Salle journée de vélo, à cause d'un violent vent de face. Ca me gâche presque les paysages montagno-marins. Un peu avant mon arrivée à Safi, un camion s'arrête devant moi, l'un des passagers me tend une bouteille. Un petit encouragement, puis il repart. J'en profite pour faire une pause. C'est un jus d'ananas pétillant et chaud. Dégueu. L'usine de fabrication d'engrais, au sud de Safi, perturbe un peu l'image de petite ville portuaire marocaine. Heureusement, il y a 10 bornes entre l'enchevètrement de tuyauterie puante et les faubourgs de la ville. Safi est fantastique. Une grosse agitation, mais pas bouffée par les touristes. J'adore. Hôtel miteux et pas cher. Repos.

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Mercredi 2 avril : Safi
Idriss ben Nacer a donné son nom à la rue la plus animée de la ville. Un mélange de sortie de stade, de bouchons parisiens et de rues commerçantes. En plus des boutiques, on compte une ou deux rangées d'étalages sur les trottoirs déjà encombrés de passants. Tout le monde hurle ou klaxonne selon le matériel dont il dispose. Le sens unique est heureusement (et étrangement) respecté, contrairement aux règles d'hygiène. Mis à part les poissons de fin de journée étalés sur des sacs plastiques à même le sol, je me régale dans cette ambiance. Des jeunes souhaitent savoir si je suis américain ou allemand. "Français ? Vive la France !". Ouf, je ne fais pas partie de leur axe du mal...

Jeudi 3 avril : Safi - Casablanca
En rejoignant la gare routière, je retrouve Zain, qui devait tenter de rejoindre clandestinement les Pays-Bas par bateau la veille. Il n'a pas réussi. Il réessaiera ce soir. Il a le moral. Et moi qui me plains d'avoir 70 km de vent de face.... Au programme du jour, bus jusqu'à Casa. Guère passionnant. Arrivé dans la capitale économique du pays, explosion de pneu de ma roue arrière ! La piste a mis le temps à produire son effet, mais la mutilation de la gomme vient bien de ces 30 bornes de caillasse d'avant Ouarzazate. Ma chance : au moment de l'éclatement, je demandais ma route à Hassan, en pleine pause déjeuner. Il va me consacrer une bonne heure : d'abord pour me trouver un taxi (l'aéroport est à 30 km du centre ville), puis, devant leurs tarifs effarants et non négociables (de l'ordre de 30 euros), puis pour me guider vers une boutique de matériel cycliste. J'y laisse mes derniers dirhams. Hassan insiste ensuite pour faire lui-même le changement de chambre à air + pneu. Enfin, il me montre la route pour l'aéroport (la raison initiale pour laquelle je l'avais interpellé !). 1000 mercis. Avec un bon vent dans le dos, je fonce vers l'aéroport Mohamed V. J'y passe la nuit, de même qu'une poignée d'agents d'entretien.

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Vendredi 4 avril : Casablanca - Paris
5h00, le chef du nettoyage réveille ses troupes sans ménagement. L'aéroport se remplit progressivement. Je le quitte vers 12h00. Le survol de Casablanca est très spectaculaire, on distingue la mosquée Hassan II, parmi les plus grandes et luxueuses du monde, au nord de la ville. Puis retour à la vraie vie ;-(

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